L’aéroport était bondé, et personne ne l’y attendait, bien évidemment, il s’était jeté si vite dans l’avion qu’il n’avait pas envoyé de message à Alaska pour la prévenir qu’il embarquait. Il sortit de l’aéroport avant de céder à l’attention de rendre tout le monde soudainement muet.  Il s’alluma une cigarette une fois dehors, tapant un message pour sa belle : J’ai bien atterris, j’arrive dans moins de vingt minutes. Il finissa une clope le temps de commander son Uber et d’attendre celui-ci, s’y engouffrant sans attendre à son arrivée.

Etalé sur le siège passager, Jesse faisait tourner entre ses doigts l’écrin qu’il avait récupéré. L’idée lui était venue sur un coup de tête sur le chemin de l’aéroport et il n’avait pas vraiment réfléchit en achetant l’anneau. Celui-ci était serti de diamant et d’or blanc au style légèrement vintage qui l’avait fait l’aimer. Restait maintenant à savoir comme il allait faire sa demande. Il s’était imaginé les pires scénarios possibles dans sa tête alors que le taxi passait la frontière du comté de Beacon, il avait toujours été du genre à imaginer le pire, mais au moins n’était-il jamais déçu du résultat une fois ses craintes passées, et le plus souvent, contredites. Il avait déjà dû faire face à une déception suite à l’entrevue avec son père quelques heures plus tôt, ça ne pouvait pas lui arriver deux fois dans la même journée, si ? Bref. Il ne pourrait plus y réfléchir longtemps.

Il se frotta le front alors qu’il sortait dans le centre de la petite ville où ils avaient décidé d’emménager, Alaska étant désireuse de retourner dans sa ville natale. Jesse, quant à lui, se plaisait n’importe où du moment qu’il se trouvait loin de son paternel et, en l’occurrence, Beacon Hills se trouvait être à une distance plus que raisonnable de San Francisco où ce dernier avait emménagé pour enterrer son passif familial à Los Angeles. Mais là n’était pas son problème, comment était-il foutu d’être aussi angoissé pour une simple demande quand il était relax pour ce qui était de chanter devant des milliers de gens, de passer des interview ou de sourire devant les photographes malgré son envie assez régulière de les étrangler quand ils deviennent un peu trop exigent. « Foutus journalistes… » Voilà qu’il s’égarait encore. Pas étonnant vu les explications qu’avait apporté son psy une douzaine d’années plus tôt. Troubles de l’attention disait-il, alors que son cerveau de gosse n’intégrait seulement le « handicapé mental ». Voilà pourquoi c’était souvent le bordel dans sa tête mais qu’il n’en laissait jamais rien paraître.

Ses pensées furent interrompues alors que le taxi s’était stoppé et que le chauffeur lui annonçait le prix de sa course. Jesse lui tendit machinalement un billet et n’attendit pas son change pour quitter la voiture, essayant de ne pas perdre la face en ouvrant la porte d’entrée, hasardeux. « Al’ ? J’suis rentré. » Il s’aventura dans le salon après avoir laissé sa valise dans le couloir, trop épuisé et anxieux pour se soucier de la ranger. « Désolé de pas avoir envoyé de messages. En fait, je suis tombé sur une boutique et j’me suis dit que c’était une bonne idée… Mais c’est peut-être pas une bonne idée… Du coup j’ai réfléchit et je me suis dit que j’allais tenter ma chance quand même donc voilà… » Il serra son poing dans la poche de sa veste, continuant de parler sans la trouver, avec la vague sensation de se ridiculiser à mesure qu’il parle. Peut-être aurait-il dût s’entraîner comme on l’avait parfois poussé à le faire pour certaines interviews ? Mais comment pouvoir prédire la réaction d’Alaska objectivement ? Cette dernière pouvait très bien être pour ou contre, à vrai dire elle ne lui avait jamais vraiment lancé de perche ou quelque sous-entendu que ce soit. Il finit par l’apercevoir à travers la baie vitrée qui donnait accès au jardin de derrière. Il ouvrit la porte avec un sourire bien plus léger aux lèvres, ses angoisses envolées aussitôt que ses yeux s’étaient posés sur elle.

« T’as rien entendu de ce que je racontais pas vrai ? » Il vint à sa hauteur pour la porter dans ses bras, la faisant décoller du sol avec aisance pour ensuite l’embrasser. « T’imagines même pas combien j’ai attendu ça. » Il la reposa en douceur en l’observant, repensant à la question ultime qu’il devait lui poser, mais surtout à l’annonce sur ce qu’il était réellement avant même de lui proposer de s’engager dans quoi que ce soit avec lui. Puisque oui, 5 ans après, il n’avait toujours pas eu le courage de lui annoncer que le monde extérieur regorgeait de créatures surnaturelles et qu’il était l’une d’entre elles, que sa famille décimée ne l’avait été que par sa faute. Alaska avait été son nouveau départ, sa nouvelle vie et elle avait déterré tout ce qu’il y avait de meilleur en lui sans même le savoir, et après tout ça, il lui devait au moins de lui apprendre tout ça, espérant silencieusement qu’elle le croirait et qu’il ne finirait pas par l’effrayer, elle qui était l’unique personne à avoir jamais comptée dans sa vie. Il caressa sa joue doucement. « On rentre ? J’ai quelques trucs à te dire… »

A peine eut-elle passé le pas de la porte qu’elle envoya valser ses talons, se massant les pieds après avoir fermé derrière elle : « Mes pauvres petits… Désolée de vous avoir maltraités de la sorte… » Son entretien lui avait paru interminable, après tout il avait durée toute la matinée et une partie de l’après-midi, jamais elle n’aurait cru qu’il serait si complexe d’intégrer l’équipe informatique d’une faculté… Quoiqu’il en soit, elle avait besoin de se poser, de se trouver un travail, de faire profil bas et Beacon Hills semblait le parfait endroit pour cela. Elle s’étira de tout son long dans un soupir de soulagement. Certes, la journée avait été longue et intense, mais elle avait l’impression de s’en être pas si mal tirée pour une fois, même si, encore une fois, elle avait sûrement un peu trop développé la partie Jesse de sa vie. Elle haussa des épaules en y repensant, après tout elle était heureuse, pourquoi ne pas en faire part ?  
Elle décida donc de ne plus penser à cet entretien et se mit à errer dans cette nouvelle petite maison qu’ils avaient acheté ensemble. Ensemble… Jesse avait financé en majorité, mais elle ne s’était pas laissée faire pour autant, plus que désireuse de participer à ce nouveau petit nid douillet rien que pour eux deux. Il ne manquait plus que lui pour que tout soit parfait et elle ne savait pas encore quand il allait rentrer. Elle jeta donc un coup d’œil rapide à son téléphone, elle mourait d’envie d’avoir des nouvelles de son amoureux sans pour autant vouloir le harceler. Elle resta donc quelques minutes à taper et effacer des messages avant de se décider de faire la copine mature et pas accaparante, n’envoyant rien du tout et reposant son téléphone. C’est donc fière d’elle qu’elle fila à l’étage pour se démaquiller et se changer pour une tenue plus confortable, oubliant son téléphone dans son sac à main, lui-même accroché au porte-manteaux dans l’entrée. En silencieux qui plus est, très pratique un téléphone en silencieux, surtout lorsqu’on attend impatiemment des nouvelles de quelqu’un. Ainsi, elle ne fut pas du tout prévenue du message envoyé par l’amoureux en question la prévenant de son arrivée prochaine, elle ne put donc pas sautiller partout de joie, ni même se pomponner pour l’accueillir comme il se doit. Non. Rien. Vieux jean troué qu’elle traîne depuis des années, t-shirt volé au copain, gros gilet en laine par-dessus, Ugg, cheveux remontés en queue de cheval sauvage, aucune classe, aucun sex appeal. Ignare. Du grand Alaska.
Elle fit le tour de leur chez-eux en chantonnant avant d’attraper un de ses romans à l’eau de rose et d’aller se poser sur un transat à l’extérieur avec un thé brulant, histoire de profiter des quelques rayons de soleil elle qui avait passé la journée enfermée. Elle commença à lire et fut bien vite plongée dans sa lecture, enchaînant les pages, impatiente de connaître la suite et si enfin Brian et Michaela finiraient par s’avouer tous leurs secrets. Elle ne savait pas pourquoi elle aimait autant ce type de roman, mais c’était bien l’un de ses préférés. Elle était si envoûtée par ses pages qu’elle ne l’entendit pas rien, pas du tout parler et encore moins venir à sa hauteur, sursautant dans un petit cri lorsqu’elle s’échappa de son royaume inventé pour revenir à la réalité. Et diable qu’est-ce qu’elle préférait la réalité maintenant qu’il faisait parti de la sienne…
« T’as rien entendu de ce que je racontais pas vrai ? » Un sourire prit possession de son visage en l’espace d’une seconde, ses bras possessifs venant naturellement s’enrouler autour de son cou pour le garder contre elle : « T’es rentré ! T’es vraiment là ! » S’extasia-t-elle avant de rendre le baiser sans pour autant perdre le sourire, caressant son visage comme pour s’assurer qu’elle ne rêvait pas éveillée, chose qui lui était déjà arrivé… « T’imagines même pas combien j’ai attendu ça. » Elle opina vivement, elle savait parfaitement ce qu’il avait enduré ayant elle-même un mal fou à se faire à ses séparations, le manque de baisers, d’étreintes, de lui tout simplement lui serrant à chaque fois le cœur. Il était bien le seul qui avait réussi à la rendre de tel et elle ne regrettait en rien d’être aussi impliquée dans ses sentiments pour lui, dans cette relation qui représentait désormais son monde. Elle frotta sa joue contre sa paume, fermant les yeux pour apprécier d’autant plus ce contact : « On rentre ? J’ai quelques trucs à te dire… » Elle opina à nouveau, prenant sa main pour sautiller à l’intérieur, impatiente de savoir, son cerveau imaginant déjà toutes les possibilités : « Bien sûr ! Parler de quoi ? Tu m’as ramené un cadeau ? » Elle rigola avant de se frapper doucement le crâne : « Non pas possible, c’est donner ça, c’est pas dire… Me raconter ton voyage peut-être ? C’était comment ? Je veux tout savoir ! » Elle sourit avant de détailler ses traits et son regard. Ce qu’elle y perçu ne la rassura pas tant et lui fit perdre un peu son sourire : « C’est quoi cet air sérieux Jesse… ? C’est pas grave au moins hein ? » Elle ouvrit de grands yeux inquiets : « T’es malade ! » Avant de nier en se frappant le crâne : « Non, t’as jamais été malade de toute ta vie, pourquoi d’un coup maintenant… Ou c’est parce qu’on était pas ensemble. Non, chut, c’est dans mon livre ça… » Elle commença à se mordiller l’ongle en réfléchissant à tout allure : « Tu m’aimes plus… T’as rencontré quelqu’un ! Non t’es pas comme ça… Puis en plus tu m’as fait un câlin, un bisou, t’as dit que t’avais attendu… » Elle releva les yeux vers lui : « T’aimes pas Beacon. Tu veux plus vivre ici ? On peut partir hein, c’est pas obligé d’être ici, on va où tu veux je suis polyvalente je m’adapte à la ville, pays, endroit, tout comme tu veux. Tu veux aller où ? » Elle s’était de plus belle accrochée à son bras en débitant ses bêtises, espérant réellement qu’il s’agissait de ça plutôt que de sa précédente supposition… Avalant difficilement, le stress la prenant d’un coup, le fixant avec plein d’espoir. « Je t’aime hein… »